Lauréats du laboHO#4
Exposition du 1er septembre au 1er octobre 2011
Lauréats du Labo HO#4, Julien Tiberi et Aurélien Mole opèrent, à la suite d'une première collaboration en 2010, un nouvel entrecroisement de leurs démarches et de leurs œuvres respectives. Pour l'occasion, un nouveau protagoniste apparaît, un certain Sir Thomas Trope, qui prête son aura à l'exposition éponyme. La signification de cette figure tutélaire ne pouvant être trouvée ni dans sa vie ni dans ses œuvres, dont le récit n'appartient encore à aucune histoire, c'est du côté de l'homophonie, autrement dit d'un jeu de mots élémentaire, que l'on trouvera une entrée possible dans la mécanique de cette exposition. Ainsi, par un premier effet de métamorphose des mots et de leur sens le noble personnage laisse place à un petit appareil d'illusion optique, le thaumatrope (du grec thaumazo {θαυμάζω}, signifiant s'étonner ou être objet d'étonnement et tropos {τρόποϛ}, qui dans son sens premier signifie un tour, indique donc un mouvement, et par extension une tournure de langage ou de raisonnement), technologie primitive de l'image animée qui permet sous l'effet d'une rotation rapide de voir se réunir les formes disposées sur les faces opposées d'un même morceau de carton.
Extrapolé à l'échelle de la galerie HO, ce jouet emblématique des cabinets de curiosités du XIXème, modeste précurseur du cinématographe, inspire le dispositif conçu par les artistes pour accueillir une sélection d'œuvres de l'un et de l'autre, principalement des œuvres en deux dimensions, images ou dessins, préexistantes ou réalisée pour cette occasion. Au-delà de sa fonction de support, le dispositif fait figure de matrice, matérialisant un principe de mise en relation des œuvres entre elles, comme il a présidé au préalable à leur sélection ou à leur réalisation. La forme spécifique de cette structure intègre en effet un jeu de rotations multiples qui ouvre la possibilité de diverses configurations de l'espace, mais aussi du sens des œuvres elles-mêmes, également susceptibles de se renverser, de sorte que leurs significations évidentes ou implicites se voient littéralement remises en jeu au gré des différents agencements de l'ensemble.
Associées au sein de ce dispositif, les œuvres de Julien Tiberi et Aurélien Mole interagissent sans pour autant se laisser subsumer sous l'univocité d'une fiction constituée. Dans le sillage du jeu de mots qui initie l'exposition, ils s'y autorisent des amorces de sens pour le plaisir de le laisser tourner, dût-il tourner court. L'exposition à cet égard participe moins de la mise en espace d'une forme de discours qu'elle ne s'apparente à un outil de vision et de lecture combinatoire. On pourra tout au moins y apercevoir le reflet versatile d'un certain tropisme partagé par les deux artistes, amateurs contemporains de fables plus ou moins attestées, d'objets curieux à l'authenticité incertaine, d'expositions supposées et autres énigmes en devenir.
Qui a eu l'occasion de manipuler un thaumatrope aura peut-être, passé l'émerveillement de l'apparition clignotante produite par la conjonction entre la succession rapide des images et le fameux phénomène de la persistance rétinienne, pu remarquer un autre effet de ce petit dispositif : au repos, les éléments dissociées de leur versant complémentaire constituent une collection de visions étranges, formes autonomes au sens énigmatique, tel un vase, ou bien un bouquet en lévitation, un cheval troué ou un enfant unijambiste, un crane chauve ou une perruque volante. L'étonnement qu'elles suscitent n'est pas sans rapport avec le plaisir ambigüe qu'on peut trouver aux esthétiques de l'absurde, ou dans la pratique des rébus, lorsqu'une collection de symboles et de formes laisse supposer un sens, encore irrésolu.
Camille Videcoq